Cette semaine, j’ai rencontré Sharon Sofer présidente de Startup For Kids qui nous parle de la formation des jeunes de demain. En plein boum du numérique et de l’#Edtech, un salon propose aux scolaires et aux familles de découvrir les projets de startups innovantes dans le domaine éducatif et pédagogique. Où trouver les outils et les tester ? Sharon nous explique tout et revient sur les raisons de son engagement dans cette aventure démarrée en 2015 à Paris.
Comment vous est venue l’idée de Startup For Kids ?
C’est venu un peu par accident. J’ai monté un premier projet dans l’éducation autour de la science, par intérêt personnel, pour mes enfants. L’idée c’était de redonner le goût de la science aux enfants à l’aide de coffrets thématiques (le système solaire, l’ADN, la mesure du temps, le sport…) contenant un magazine et des manipulations. Dans le cadre de ce projet, j’ai commencé à organiser un événement qui rassemblait plusieurs startups de l’éducation. Au début, on appelait les écoles pour se faire connaître et maintenant on accueille trois fois plus d’enfants en scolaire ! Cette année, les réservations pour les écoles étaient complètes au bout d’une semaine.
Quels événements organisez-vous et pour quels publics ?
Cette année, le salon Startup For Kids se déroule sur trois jours, du samedi 24 au lundi 26 novembre. Les deux premières journées sont ouvertes au grand public et la troisième est réservée aux scolaires. Tous les ateliers ont lieu au 42 – Born to code, la grande école du numérique et de l’innovation à Paris. Ils s’adressent à des enfants de 6 à 15 ans.
Cette année, tout comme en 2017, nous étions aussi présents à Futur.e.s in Paris, festival du numérique gratuit et ouvert à tous, pour mettre en oeuvre le parcours jeunesse et éducation.
De plus, nous avons lancé en mai 2018 notre première édition de Startup For Kids à Paris Saclay à l’école CentraleSupélec à Gif-sur-Yvette.
Par ailleurs, nous organisons des événements pour les jeunes de 14/20 ans Demain Commence Aujourd’hui, une journée de créativité pour réfléchir au futur des métiers.
« En parler aux parents et aux profs c’est bien, le montrer par les enfants qui le font c’est encore mieux ! »
Bilan de l’édition 2017 de Startup For Kids
Quels sont les objectifs de Startup For Kids ?
Préparer les jeunes au monde de demain !
Tout d’abord, nous avons voulu rassembler enfants, parents et enseignants autour d’un même événement gratuit. Ainsi, tout le monde peut voir l’intérêt du numérique et des nouvelles façons d’apprendre ensemble. En parler aux parents et aux profs c’est bien, le montrer par les enfants qui le font c’est encore mieux !
Ensuite, nous sélectionnons des startups qui proposent des ateliers de 20 à 50 minutes pour réfléchir ensemble et manipuler sur des thématiques variées. De la lecture immersive aux bases de la nutrition, en passant par le dessin animé (édition 2017), les enfants expérimentent et apprennent de façon ludique.
De plus, les étudiants de l’école 42, ou de CentraleSupélec pour Saclay, animent des ateliers de code pour initier les enfants à la programmation.
D’autre part, nous organisons un Hackathon (événement collaboratif de courte durée mêlant code et design pour développer un projet, voir l’article du JDN) le dimanche 25 novembre. Cet événement remporte un franc succès puisque les réservations sont déjà complètes deux mois à l’avance !
Enfin, des conférences, réparties sur les trois jours, permettent aux adultes d’appréhender les nouveaux concepts de demain et de réfléchir à la formation des jeunes. A titre d’exemple, l’intelligence artificielle, apprendre sur les réseaux sociaux et la révolution numérique figuraient au programme de Paris Saclay cette année.
L’esprit du numérique plutôt que l’informatique ?
A Startup For Kids, on est très centré sur les savoirs être, plutôt que sur les savoirs faire, soft skills vs hard skills. Certes, il y a du code, des ateliers de découverte de nouvelles applications. Mais, l’idée c’est que les enfants deviennent acteurs de leur apprentissage, qu’ils apprennent à travailler en équipe, qu’ils développent leur esprit critique, leur créativité etc. Ce sont des valeurs qui montent dans le monde du travail et qui vont être de plus en plus recherchées.
Le système éducatif actuel correspond-il aux attentes du monde de demain ?
Globalement, non ! On est toujours sur le système éducatif de masse. Il y a 150 ans, quand on a rendu l’école obligatoire, il fallait que le plus grand nombre sache lire et écrire. La plupart des jeunes était destinée à l’usine. Aujourd’hui, on n’est plus du tout dans ce paradigme où il faut donner un savoir minimum.
D’ailleurs, les gamins qui rentrent à l’école vont faire un métier qui n’existe pas encore. Donc on ne peut pas les former à ce métier ! Et ils vont en changer fréquemment dans leur carrière… Ce qu’ils auront appris à un instant t, ne sera plus valable à un instant t+1. Donc, ça implique une relation différente au savoir.
C’est pourquoi, le rôle du prof risque de changer. Il va devenir davantage animateur/modérateur que transmetteur de savoirs. Finalement le savoir, pour caricaturer, est à portée de main. Le défi, aujourd’hui, c’est de capter l’attention des enfants, de mettre en oeuvre des situations où ils pourront se concentrer pour apprendre.
Il faut trouver une autre façon de rendre les apprentissages plus attrayants pour les élèves. Les outils numériques sont là pour répondre aux nouveaux besoins éducatifs. L’école est concernée bien sûr, mais les parents ont aussi leur rôle à jouer, comme facilitateurs et accompagnateurs auprès de leurs enfants.
Que diriez-vous à ceux qui redoutent le « tout numérique » ?
Le numérique n’est qu’un outil. La créativité, l’entraide, le partage de compétences, la manipulation et l’expérimentation sont les valeurs essentielles qui doivent permettre aux jeunes de demain d’appréhender un monde où les savoirs évoluent. Garder les enfants en dehors du numérique reviendrait à les couper du monde dans lequel ils vont vivre. Leur donner les outils pour comprendre, agir, créer est le meilleur service qu’on peut leur rendre !
Venir à Startup for Kids c’est justement l’occasion de tester différents supports et applications et de trouver éventuellement ceux qui correspondent aux pratiques de l’enseignant ou de la famille.
Quelles sont les barrières qui freinent encore l’éducation dans son utilisation du numérique ?
Tout d’abord, les écoles et les familles peuvent avoir du mal à s’équiper. C’est un réel problème. Cependant, la démocratisation des équipements multimédias devrait permettre à une population de plus en plus large d’en profiter. Concernant les établissements scolaires, il y a beaucoup de disparités. Tout dépend des budgets, des choix d’équipes…
Que diriez-vous à des profs qui se sentent largués sur le plan numérique ?
En fait, il y a plein de façons d’aborder le numérique et il est toujours possible de trouver celle qui vous convient. Et vous n’êtes pas seuls ! Il existe des associations bénévoles qui interviennent dans les classes, des profs qui proposent des ateliers. Les réseaux sociaux, Twitter en particulier, sont de bons vecteurs d’apprentissage et de partage. De plus, de nombreux outils en ligne permettent aux débutants de démarrer. Il est possible d’apprendre, via des tutoriels, les rudiments pour accompagner la classe dans ses usages du numérique.
D’ailleurs, cette année à Startup For Kids, une startup développe justement un nouvel outil avec un guide très simple pour l’enseignant et un accompagnement soutenu pour les élèves. Même un prof qui ne connait rien au code peut faire des ateliers de code jusqu’à des niveaux avancés !
Le seul frein reste l’équipement.
Que propose Startup For Kids pour les publics spécifiques ?
C’est différent en fonction des typologies. Pour les enfants à besoin éducatif particulier (dys-, autistes, précoces etc.), nous organisons un événement dédié au mois de mars à l’école 42.
Par ailleurs, nous oeuvrons pour la mise en valeur des filles, en veillant à ce qu’il y ait autant de participants filles que garçons et en travaillant sur les contenus. Par exemple, nous collaborons avec la startup IT for girls qui fait des ateliers de code pour les filles. De plus, nous valorisons les filles dans notre communication, afin qu’elles se sentent autant concernées que leurs camarades garçons.
Enfin, nous cherchons à toucher les populations en difficulté en nous rapprochant par exemple du mouvement citoyen Bleu Blanc Zèbre. Nous tenons à ce qu’il y ait une vraie diversité des publics et c’est pour ça aussi que les événements sont gratuits.
Startup For Kids a-t-elle prévu des événements en régions ?
Pour le moment, notre offre concerne l’Ile de France, mais nous souhaiterions pouvoir proposer quatre événements en régions. On y travaille !
Merci à Sharon Sofer d’avoir pris le temps de répondre à mes questions !
Vous pouvez retrouver la vidéo de l’émission Plein Ecran sur LCI consacrée à la 1ère édition de Startup For Kids en 2015 ci-après.
Retrouvez également mon interview consacrée à Frédéric, enseignant de CM1, qui nous explique comment il applique le numérique dans sa classe.
Et pour tout savoir sur les programmes et attendus de l’Education nationale concernant le numérique, relisez mon post du 24/05/18.