Mères, entre mythe et réalité

Les réseaux sociaux débordent de comptes exposant le quotidien, risible ou tendre, des mères. Certaines vont plus loin en mettant en scène leur intimité et en déboulonnant la sacro-sainte figure maternelle. Et si le mythe de la femme et mère parfaite tombait ? Enfin !

Des mères surchargées

Récemment, Télérama titrait Désir d’enfants, PMA, la fin des tabous. L’autrice, Juliette Bénabent, posait les bonnes questions : « D’où vient le désir d’enfant ? Est-il biologique, culturel, social…? », sans toutefois y répondre, tant les cas de figures sont multiples. En revanche, la journaliste en profitait pour relever à nouveau que les mères assurent 75% des tâches domestiques. Le passage de « sans enfant » à « avec enfant » constitue donc un grand chamboulement pour les femmes. Sans surprise, il en découle une surcharge objective au quotidien.

T’as pas dormi de la nuit parce que le petit de 2 ans avait une gastro ? Ta grande de 23 ans passe son examen de fin d’études ? Ton fils de 30 ans divorce en se déchirant pour la garde d’un bébé de 9 mois ?

L’attention flottante des pères

Evidemment, les pères sont concernés par les problèmes du quotidien… Mais ils ne s’en saisissent pas ! Laissant le soin aux femmes de le faire… En outre, ils vont souvent jusqu’à prétendre que c’est parce qu’elles le font mieux qu’eux. Accessoirement, eux doivent peaufiner leur entretien annuel de compétences…

Par convenance, on préfère en rire, comme à une mauvaise blague du patron. Ouvertement, rien ne transparait. Mais lorsque les copines parlent entre elles, toutes s’accordent pour dire que jongler entre boulot et enfants est épuisant et terriblement insatisfaisant. Celles qui s’en sortent le mieux sont celles qui déploient grands-parents et nounous pour les seconder. Une question de choix, mais surtout de moyens…

Le burn-out des mères sur les réseaux sociaux

Par ailleurs, l’initiative de femmes montrant leur corps transformé et leur visage fatigué sur leur compte Instagram a été saluée comme une révélation salutaire. Mais l’image édulcore la réflexion. Que dénoncent ces photos et vidéos ? Rien de précis. Il s’agit davantage d’une demande de reconnaissance individuelle de leur fatigue et de leur dévouement qu’une remise en question de la pression de la société sur les mères.

Les intellectuels universitaires se sont emparés depuis longtemps de la question de la répartition des rôles au sein de la famille. Ainsi, Elisabeth Badinter publiait en 2010 un ouvrage intitulé Le conflit, la femme et la mère. Elle revenait sur les difficultés rencontrées par les femmes lorsqu’elles accèdent à la maternité. Pénalisées professionnellement, poussées à assumer toutes les tâches du quotidien, les mères perdent en liberté, économique et mentale.

De temps en temps, des actrices s’emparent efficacement du sujet, comme Olivia Moore. Mais elles sont encore rares.

La réalité c’est que les femmes, tiraillées par l’envie ou le devoir de s’occuper de leurs enfants, quittent plus tôt leur travail, recourent au congé parental et au temps partiel, posent des RTT pour accompagner une sortie scolaire… Une attitude critiquée par les employeurs qui n’y voient que faiblesse ou dévouement naturel féminins.

La carrière des mères en berne

Je me souviens d’une ancienne camarade d’université invitée à une journée de réflexion sur les débouchés professionnels d’un Master 2. Lors de son allocution, elle avait clairement mis en garde les étudiantes, incrédules, sur les difficultés de combiner carrière professionnelle et maternité… Il y avait une réelle démarche féministe dans son propos. Car en façade, en théorie, même toute relative, les femmes ont le droit de faire carrière, le droit de gravir les échelons, le droit de briguer un poste à responsabilité, par essence chronophage.

Mais dans le monde du travail, les prérogatives sont tout autre. Les employeurs, hommes comme femmes d’ailleurs, se méfient et préfèreront embaucher un candidat plutôt qu’une candidate pour un poste à responsabilité.

Ainsi, vous avez 30 ans, un début d’expertise dans votre domaine et vous vous sentez suffisamment bien dans votre vie pour accueillir un enfant. La société vous dit gentiment que c’est la norme et vous rassure à grands renforts de crèches collectives (la blague, avec seulement 17%), de sites ultra sympas pour dégotter une nounou, une baby-sitter. Sans compter les publicités pour la nourriture infantile, les couches. Bref, tous ces produits et services agissent comme une propagande. En créant un univers tout doux, tout mignon et ultra-formaté, les futures parturientes se sentent rassurées quant au maintien de leur liberté.

Des tâches domestiques allégées mais un accroissement des exigences éducatives

En effet, la société de consommation a beaucoup fait pour améliorer les tâches relatives aux soins des enfants. Plus besoin de laver les couches, plus besoin de cuisiner grâce aux petits pots, plus d’inquiétude avec les laits en poudre ultra-contrôlés. Mais, tout comme dans le livre d’Elena Ferrante où la narratrice découvre avec effroi que son amie avait vu juste lorsqu’elle lui annonçait qu’elle perdrait sa liberté en enfantant, beaucoup de femmes aujourd’hui continuent d’expérimenter cette troublante découverte.

S’il est certain que les tâches domestiques ont été allégées, s’occuper d’un enfant aujourd’hui semble pourtant plus difficile (voir mon article sur le créneau 18h/21h). Même si les pères consacrent davantage de temps à leurs enfants que par le passé, les femmes les surpassent encore largement. Ainsi la fameuse « charge mentale » a récemment fait le tour des réseaux sociaux pour désigner la préoccupation, silencieuse et omniprésente, des femmes pour tout ce qui touche le quotidien du couple et de la famille.

Ces dernières organisent leurs journées en glissant ça et là un coup de fil pour l’inscription au cours de judo, pour réserver une séance d’orthophonie, d’orthoptie, d’orthodontie… Sans oublier les courses pour la fête des 10 ans de la cadette, quelques coups de ciseaux et tartinades de colle pour remettre en ordre le cahier de leçons de CE1 à 23h après une journée de boulot. Est-ce exagéré ? Je me demande par exemple si un homme ferait un saut le vendredi midi pour aller échanger un pantalon en taille 6 ans…

Femme et mère parfaite : où es-tu ?

En fait, le plus agaçant dans tout ça, c’est que les mères n’osent pas se plaindre, sous peine d’être taxées de féministes ou, pire, de feignantes. Ah la sacro-sainte image de la femme parfaite tenant son logis propre et son frigo à jour !

Alors oui, ne pleurnichons pas, parce que nous sommes fortes et que nous assumons notre rôle au quotidien. Mais ne brimons pas non plus notre parole et cessons de constamment dissimuler les difficultés de la vie. Ce n’est pas se rendre service à soi-même.

A consulter sur la toile :

Du blog Serial mother

Article du Demotivateur sur l’illustratrice Emma : https://www.demotivateur.fr/article/la-charge-mentale-ou-pourquoi-les-femmes-et-les-hommes-sont-loin-d-etre-egaux-dans-la-repartition-des-taches-menageres-9929

Un article de Louise Tourret sur Slate :

http://www.slate.fr/story/120605/mere-francaise-fatiguee

Clin d’oeil aux papas en surcharge :

http://www.papacube.com/

Le compte Instagram @taspensea qui recueille les témoignages de celles qui assument toutes les tâches du quotidien

mères taspensea instagram

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