Cette semaine, je retrouve Eloïse coordinatrice REP qui m’explique en quoi consistent ses missions au sein de l’éducation prioritaire.
Qu’est-ce que l’éducation prioritaire ?
L’éducation prioritaire ressort d’une politique ministérielle visant certains territoires et établissements en besoin éducatif. Mon travail consiste à accompagner les dispositifs et à vérifier la bonne mise en place de cette politique. Il y a des dispositifs spécifiques avec des moyens, de l’argent, des personnels, des actions concrètes, qui n’existent pas en dehors des REP (Réseaux d’Education Prioritaire).
La mesure récente la plus médiatique a conduit à dédoubler les classes de CP et bientôt celles de CE1.
Qu’est-ce qu’un Réseau d’Education Prioritaire ?
Un réseau est formé en général de trois maternelles, trois élémentaires et un collège dans un secteur géographique proche. A Paris, il y a environ 30 REP (dont des REP +), essentiellement situés dans l’Est et le Nord parisiens. Un coordinateur a en charge deux REP ou alors une REP+ et la charge d’une mission spécifique (gérer les dispositifs Coups de pouce ou Les cordées de la réussite par exemple).
Quelles sont les axes majeurs de la politique d’éducation prioritaire ?
Pour nous guider dans nos missions, nous nous référons, nous les coordinateurs REP, au référentiel de l’éducation prioritaire qui définit les grandes lignes en 6 points :
- garantir l’acquisition du « Lire, écrire, parler » et enseigner plus explicitement les compétences que l’école requiert pour assurer la maîtrise du socle commun
- conforter une école bienveillante et exigeante
- mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires pour la réussite scolaire
- favoriser le travail collectif de l’équipe éducative
- accueillir, accompagner, soutenir et former les personnels
- renforcer le pilotage et l’animation des réseaux
Ca veut dire que j’ai un regard sur les dispositifs, mais ça veut dire aussi que je peux impulser des formations pour les enseignants. Surtout, je peux aider à la mise en oeuvre, ce qui est le plus demandé. Cela concerne aussi bien des projets de classe, des projets interdegrés, des projets inter REP.
Quelles sont les missions principales du coordinateur REP ?
Tout d’abord, il faut écouter les besoins des terrains. Ensuite, il faut trouver des financements pour la formation, le matériel etc. Parfois, il faut chercher d’autres sources de financement que celles de l’éducation nationale, notamment auprès de la ville. Par ailleurs, il faut recruter les intervenants (accompagnateurs, formateurs, animateurs, voire artistes) de ces dispositifs et formations.
Notre objectif est de donner du sens aux apprentissages, valoriser le travail, permettre aux équipes d’être accompagnées en fonction de leurs besoins spécifiques. En somme, j’interviens pour aider les gens à travailler ensemble.
Quels sont les principaux dispositifs de l’éducation prioritaire ?
Le premier concerne le dédoublement des classes de CP et CE1. Ensuite existent les Coups de pouce-CP pour la lecture et Alem (Ateliers Lecture Expression Mathématiques) pour les CM2. Enfin, en collège, depuis peu, a été mis en place le dispositif « Devoirs faits« .
En plus de ces dispositifs nationaux, les réseaux organisent leurs propres projets spécifiques.
Quelles difficultés à la mise en oeuvre des projets ?
La première difficulté que nous rencontrons est liée au temps. Les horaires et les moyens diffèrent entre l’élémentaire et le secondaire. En dehors des collèges et REP+, il n’existe pas de temps spécifique dévolu au travail en équipe. De plus, les projets dépendent de la pérennité des personnels sur leur poste.
Mais nous savons que si l’éducation prioritaire n’existait pas ce serait pire ! En outre, elle est aussi un laboratoire d’innovation pédagogique. Il y a des moyens qui permettent cette innovation, ce qui n’est pas le cas ailleurs. Bien sûr la priorité reste toujours les fondamentaux, mais sur le « comment faire » on est beaucoup plus libres d’inventer autre chose.
Quels sont les partenaires de l’éducation prioritaire ?
En effet, pour optimiser notre travail, on ne peut pas se passer de la coopération avec les associations de quartiers (politique de la ville, équipe de développement local). L’école ne peut pas s’en sortir toute seule.
Ainsi, je connais les associations de quartiers de mon réseau, ce qu’elles proposent aux familles, aux élèves. Je suis une fenêtre sur l’extérieur pour les écoles. Par exemple, une association de bénévoles prenant en charge des élèves pour les devoirs pourrait avoir besoin de conseils concernant les attentes de l’école. Mon but est de faire fonctionner aux mieux les partenariats et actions et de donner du sens aux projets mis en oeuvre.
L’intervention des associations est fondamentale à la liaison école/famille. En effet, nous éprouvons de grandes difficultés à faire venir les parents lors des rencontres que nous organisons. C’est vrai pour l’élémentaire, mais surtout pour le collège. Or, la coopération avec les parents fait partie des axes majeurs de la politique de l’éducation prioritaire.
A titre d’exemple, c’est grâce à l’investissement des associations de quartiers, qui connaissent très bien les familles, que nous avons eu le plaisir de réunir parents, élèves et enseignants lors d’une soirée « jeux de société » dans un collège. Sans ces structures d’aides sociales, les adultes n’auraient pas été si nombreux.
Qui sont les référents pour les Réseaux d’éducation prioritaire ?
A l’origine professeure des écoles, j’ai été recrutée par la MAEP (mission académique pour l’éducation prioritaire) qui m’a formée.
Cependant, au quotidien, tout ce que je fais c’est à la demande des pilotes des réseaux : le chef d’établissement (principal de collège) et l’inspecteur pour le premier degré. Ce sont eux qui spécifient mes missions.
Par exemple, ils peuvent émettre le souhait d’organiser une formation. Récemment, on m’a demandé de trouver une association capable de former les enseignants sur les écrits professionnels (comment écrire aux familles), ou encore sur la discipline positive.
Par ailleurs, je peux être mandatée pour collecter des informations sur le terrain. Par exemple, quelles associations opèrent en faveur du multilinguisme, à quels coûts etc. Ainsi, je vais mettre en relation les différents acteurs d’une problématique impulsée par les pilotes.
Quelles sont tes relations avec les écoles ?
Régulièrement, je me déplace dans les écoles pour entendre les besoins, pour m’informer des projets. Par la suite, je peux proposer aux enseignants et établissements d’échanger entre classes, de se rencontrer autour de projets communs. Récemment, je me suis rendue compte que plusieurs établissements développaient des projets de jardins et poulaillers, de la maternelle au collège, sans qu’il y ait eu concertation. En effet, les enseignants n’ont pas le temps de s’informer des projets de leurs collègues. Je suis là pour établir ce lien et favoriser des connexions et si possible des coopérations. Ainsi, les projets de jardinage prennent un sens plus global, dans une logique urbaine et de quartier porteuse de sens pour les élèves.
Mon objectif est de favoriser le travail en réseau. L’idéal est d’avoir une continuité pédagogique : avoir les mêmes outils, les mêmes façons de faire de la maternelle au collège. C’est pourquoi j’espère vivement que la journée des jardins pourra être mise en oeuvre !
Par ailleurs, quand on repère un projet qui fonctionne, on essaie de l’étendre au réseau. C’est que nous essayons de faire en ce moment avec le dispositif « Silence, on lit » qui, dans mon secteur, est parti des écoles et non du collège.
Un grand merci à Eloïse pour le temps qu’elle a consacré à répondre à mes questions avec enthousiasme et précision.
Retrouvez le projet d’Olivier en REP : L’histoire enseignée par le théâtre.